Quand je suis tombée enceinte, je savais que je ne voulais pas un accouchement ultra médicalisé, je voulais qu'on me laisse tranquille, moi. Je ne voulais pas de fils, de piqures, d'examens du col, javais peur des violences obstétricales. Mais c'est à la lecture du livre "les vrais besoins de votre bébé" que j'ai su que je voulais accoucher sans péridurale et surtout que c'était mon bébé que je voulais qu'on laisse tranquille. Je voulais qu'il arrive dans le calme, la pénombre, et que le moins de soins invasifs lui soit imposés. C'est pourquoi j'ai choisi la maternité des lilas qui respecte la physiologie de l'accouchement, favorise le peau à peau et l'allaitement.
J'ai appris qu'on ne pouvait pas apprendre à accoucher ou à respirer mais je me suis préparée en étudiant ce qu'il se passe dans le corps au moment de l'accouchement. Les différentes étapes, les sensations, la biologie et la physiologie de ce processus.
Deux semaines avant d'accoucher, on m'apprend que la maternité ferme en raison d'un manque de personnel. C'est la douche froide, je dois être transférée. Heureusement je peux choisir la maternité de Nanterre qui a une politique similaire.
Pendant une semaine, j'enchaîne des nuits entières de faux travail : des contractions douloureuses et régulières mais qui s'estompent le matin. Le dimanche, un peu fatiguée de cette situation j'appelle la maternité qui me dit de passer pour en discuter si ça peut me rassurer.
On me dit que oui c'est fatiguant le faux travail et c'est un premier, c'est long etc... en plus ma fille est tournée d'une façon qui donne les contractions dans le dos. On me dit qu'on peut m'examiner si je le souhaite mais que je ne me fasse pas de faux espoirs. Et là, surprise, mon col est déjà dilaté à 3, je n'en reviens pas. Mais comme les contractions se sont arrêtées je décide avec mon conjoint de rentrer chez moi. 40 minutes de voiture et les contractions reviennent et sont espacées de 5 minutes. Le temps de préparer mes affaires, vider le lave vaisselle, prendre une douche, attendre ma mère qui vient garder les deux garçons de mon conjoint, faire un bisous aux chiens et on repart à la maternité. Le trajet en voiture est sportif, mon conjoint se fait un plaisir de rouler vite comme s'il y avait urgence alors que je lui répète que je ne vais pas accoucher dans la voiture ! Les contractions se rapprochent quand-même et gagnent en intensité.
On arrive, la salle nature est libre, il n'y a que moi qui accouche ce jour là. On me fait un monito, un test pcr entre deux contractions , on rate 4 fois de suite la pose du cathéter que j'ai finalement accepté.
Je peux enfin entrer dans le bain chaud aux huiles essentielles. La salle est grande, colorée. Le soleil passe par l'immense fenêtre qu'on entrouve. Il n'y a pas de machine, pas de lit avec des étriers. On grignote des trucs , on rigole, on envoie des photos à mes amis, c'est chouette.
Les contractions sont intenses mais j'avance, une à la fois. Au début de ma grossesse, je me souviens avoir dit que parmi toutes les façons de gérer la douleur, s'il y en avait bien une qui ne me correspondait pas c'était celle de faire des vocalises et des sons graves.
Et bien ça m'est venu spontanément. Je n'avais pas le choix, faire ces sons me soulageait. Plus le travail avançait et plus mes sons étaient graves et longs.
Les sages femmes qui sont présentes sont formées aux accouchements physio donc elles nous laissent tranquilles, dans notre bulle, ne me parle pas ou très peu, se font discrètes. Je ne les vois pas pendant plusieurs heures et ça me va très bien comme ça puisque tout va bien. Je reste beaucoup dans le bain , puis passe sur le ballon. Mon conjoint m'enroule dans une couverture, me caresse le visage, je m'endors entre les contractions, shootée à l'ocytocine.
Au bout de quelques heures, la nuit est tombée, il y a juste une petite veilleuse dans la pièce. Je demande qu'on m'examine pour savoir où j'en suis. Je suis à 6, on continue.
Deux heures plus tard , les contractions étant vraiment de plus en plus intenses, je redemande un examen. Je suis toujours à 6...
Une petite déception mais je sais que tout peut arriver et qu'il n'y a pas de règles en matière d'accouchement.
Les sages femmes repartent et nous laissent continuer , on en a quand même sûrement pour encore un bon moment.
Mais 10 minutes plus tard ça pousse en bas, mes sons sont différents et les sages femmes arrivent car elles entendent que dans ma voix ça pousse.
Je suis debout dans la baignoire, j'entends un "PLOC". La douleur des contractions se transforme , la tête est là. Je comprends que pousser fait encore plus mal mais que pour ne plus avoir mal il faut pousser. Je sais pour avoir tout lu sur l'accouchement que cette phase, même si elle est plus courte en générale sans péridurale peut quand même durer 45 minutes, ce qui m'inquiète (beaucoup) un quart de seconde. La douleur que je ressens me surprend et je pense que la rapidité avec laquelle les choses se sont accélérées a rendu ce moment encore plus intensément douloureux. Mes sons graves se sont transformés en cris que je ne pensais pas être capable de produire un jour.
Je suis en train de broyer l'épaule de la sage femme qui es debout à ma gauche et celle de mon conjoint à ma droite, ils me font sortir de la baignoire et je me suspends à un draps sous les aisselles au milieu de la pièce. Je pousse une fois et j'attrape moi même ma fille pour la ramener contre moi. Je répète en boucle "tout va bien".
Il y a eu exactement 26 minutes entre le moment où je suis à 6 et le moment où je l'ai dans les bras.
Je suis dans un état second. Je vais m'allonger avec ma fille sur moi sur le matelas qui est dans la pièce.
C'est comme si mon cerveau n'avait pas réalisé que c'était fini. J'ai encore mal et mon corps tremble énormément.
Le placenta sort sans problème et on me dit qu'il faudrait faire un petit point à l'intérieur.
Le spray anesthésiant ne marche pas et j'ai beaucoup de mal à redescendre et à prendre sur moi. A un tel point que je dois tendre ma fille à son père qui la prend en peau à peau.
On me fait le point, je commence à me calmer. Je reprends ma fille pour essayer la tété de bienvenue mais elle n'y arrive pas. On extrait du colostrum qu'on lui donne à la cuillère.
On nous laisse une bonne heure tous les trois, dans cette pièce qui ressemble maintenant à une scène de guerre. Puis les sages femmes et auxiliaires arrivent. Ils la pèsent, la mesure et son père l'habille. On nous montre notre chambre et nous apporte des plateaux repas.
Je suis recouverte de sang, de la tête aux orteils. Du méconium sur tout mon ventre, petit cadeau de bienvenue de ma fille.
Les trois jours à la maternité se passent très bien, on nous laisse tranquille et on nous fait confiance mais je suis chamboulée.
Jai mis du temps psychologiquement à réaliser ce qu'il venait de se passer. Les cris que j'avais poussé me faisaient froids dans le dos. Quand ma fille est arrivée je n'ai rien ressenti, j'étais focalisée sur la douleur et j'ai très mal vécu les deux heures qui ont suivi. Je culpabilisais d'avoir eu à la mettre dans les bras de son père parceque je n'arrivais pas à me concentrer sur elle. J'avais l'impression qu'elle était arrivée dans un moment très violent alors que j'avais choisi d'accoucher naturellement pour éviter toute forme de violence justement. Je ne comprenais pas pourquoi j'étais si mal alors que j'avais eu l'accouchement dont je rêvais : naturel, sans intervention extérieure, sans complication.
J'étais terrifiée de ne pas avoir ressenti la vague d'amour dont tout le monde parle à la naissance de leur enfant. Alors même que j'avais bénéficié de toutes les conditions pour que ce moment soit magique (ocytocine en pagaille, pas de complication, pas d'intervention médicale etc).
Le lendemain de mon accouchement j'ai dit à ma meilleure amie "si on me donne un million d'euros je ne le refais pas".
Mais aujourd'hui je ne vois plus du tout les choses de la même manière. La nature est bien faite. Je suis fière d'avoir fait ce choix pour elle et d'être allée jusqu'au bout. Ma fille est arrivée naturellement, à sa manière, dans la pénombre puis le calme qui a suivi. C'est ce que je voulais. Et la relation avec elle je la construis jour après jour, l'amour est venu petit à petit et s'intensifie et c'est normal !
Aujourd'hui c'est l'allaitement mon nouveau combat, et je dois dire que c'est bien plus difficile que d'accoucher sans péridurale pour moi !
Mais les réponses bienveillantes que je reçois sur ce forum me font tenir et je remercies chaudement toutes celles qui ont pris le temps de me lire et de me répondre sur d'autres posts. Vous êtes géniales.