Récit numéro 1 : accouchement du Zazou
On commence direct au rdv donné le jour du terme. J’arrive le jeudi à la maternité, je ne connais pas du tout car nous venons de déménager suite à une mutation. Je suis reçue par une SF plutôt sympa, avec de l’expérience, qui m’examine et me propose un décollement des membranes : ça ne marche pas, celles ci sont déjà décollées. Bébé ok, monito ok, écho ok, je peux repartir avec un rdv dans 2 jours, le samedi matin pour recontrôler.
Je sors de là extrêmement déçue. J’ai passé une grossesse affreuse (je mettrais plus tard le nom de dépression sur cet enfer de 9 mois), je veux accoucher mais vraiment mon corps me trolle jusqu’au bout. Jeudi et vendredi, je marche comme je peux en traînant mes 20 kilos supplémentaires, mes jambes gonflées de rétention d’eau et mon moral dans les chaussettes. Je me couche vendredi soir en me disant (comme tous les soirs depuis 1 mois) : peut-être pour ce soir ?
Samedi, 2h du matin, je suis réveillée par une douleur affreuse qui me tord les boyaux, très brève. Je me précipite aux toilettes car je pense que j’ai la diarrhée, mais rien. Il faut savoir qu’on m’avait prévenu que les contractions ressemblaient à des douleurs de règles, mais ayant eu la chance de n’avoir jamais de douleurs pendant mes règles, ça ne m’avançait pas beaucoup. Je retourne me coucher et je me rendors. 2h20, la même douleur, brève, je retourne aux toilettes : cette fois, c’est sûr, j’ai la gastro. Toujours rien, je retourne au lit. Je somnole. 2h40, nouvelle douleur. Mes neurones s’allument enfin : mais est-ce que par hasard ce ne serait pas des contractions …? Par contre c’est censé être léger au début, là ça fait déjà assez mal.
Je passe dans le salon, m’assois sur le ballon mais me contente de sautiller, je ne sais pas quoi faire. Mon mec se réveille, me demande ce qui se passe, je lui réponds que j’ai peut-être des contractions. Je retourne aux toilettes. Nouvelle contraction à 3h, et là ça part en vrille. D’un coup d’un seul, la douleur s’amplifie et passe dans les reins. Je suis surprise, je pensais que c’était au niveau du ventre que j’aurais mal, la douleur dans les reins me paralyse, m’empêche de bouger, ça s’accélère, je ne sais pas quoi faire, « chéri je te jure ça fait vraiment mal ».
Bon le chéri en question appelle la maternité, elle nous rappelle de prendre un bain puis de préparer nos affaires pour venir. S’ensuit 1h30 de vague brouillard. Je vais prendre ma douche, j’ai mal, je finis à 4 pattes. Je passe une robe ample sur ma tête, je me traîne dans la chambre, j’ai mal. Je passe dans le salon, j’ai mal, je vomis. Mon mec a tout préparé et essaye de me faire enfiler des tongs pour aller à la voiture. Je lui jette les tongs à la tête, j’ai mal. Il finit par appeler les pompiers, moi j’ai mal. Les pompiers arrivent à 4h30, ça me fait redescendre de voir 3 inconnus dans mon salon qui me regardent bizarre. Heureusement, la nana pompier a déjà eu 2 enfants et prend les choses en main.
Je pars avec eux dans le camion, je meurs de froid en tongs et robe, je suis prise de gros tremblements qui arrêtent la douleur des contractions. On arrive à l’hôpital en 5 minutes (on habite à côté), je passe en salle de naissance direct à 5h du matin. Je suis déshabillée puis rhabillée en 2 temps 3 mouvements, installée sur le lit, examinée « vous êtes à 7 madame, bravo vous avez bien travaillé. Vous voulez la péri ? » OUI
J’oublie de dire que la SF m’annonce que j’ai perdu les eaux, ce qui explique pourquoi les douleurs ont pris brusquement de l’ampleur. Par contre j’ai rien senti; il ne devait plus rester beaucoup de liquide. Elle m’annonce aussi que bébé regarde vers les étoiles, et que c’est pour ça que j’ai ressenti la douleur dans le dos.
Une fois la péri posée, 3 couvertures installées sur mon lit car j’ai froid, on se tape une petite sieste réparatrice, je crois que je n’ai jamais aussi bien dormi de ma vie. Les SF passent toutes les 2h : à 7h je suis à 9, à 9h à dilatation complète. Elles laissent 3h au bébé pour descendre.
Vers 11h je sens les douleurs revenir, 11h30 je commence à pousser toute seule en chambre car ça fait mal. Je me débrouille comme un pied. Elles s’installent pour pousser à 11h45, bébé naît à 12h22. Elles étaient à deux doigts d’appeler le gyneco, mais j’ai réussi à le sortir avant.
Déjà, là, beaucoup se joue pour moi. De 1, je ne suis plus enceinte. Ça y est, la grossesse est terminée, j’y suis arrivée, j’ai survécu. De 2, ce corps difforme, gros, handicapant, incapable, douloureux que je me suis traîné pendant 9 longs mois, a réussi un exploit que je considérais impossible. Dépasser une douleur comme je n’en avais jamais connue, se canaliser pendant la pose de la péridurale, pousser pendant quasiment 1h pour expulser mon bébé. Mon accouchement m’a immédiatement réconcilié avec mon corps, et pour la première fois depuis 9 mois je suis fière de moi.
Il reste toutefois un gros morceau à régler. Pendant cette grossesse, je me suis persuadée que ce bébé ne m’aimerait pas. Qu’il avait lu dans mes pensées, qu’il ne voudrait pas d’une mère dépressive et bonne à rien. Et puis de toute façon, je serais incapable de m’en occuper, incapable de l’aimer, rien n’irait pour nous.
Me revoilà donc sur ce lit, mon mec qui parle/sanglote dans mon oreille gauche, un bébé qui hurle dans mon oreille droite, l’auxiliaire qui s’agite partout dans la salle et la SF et son étudiante qui regardent entre mes jambes et se demandent pourquoi le placenta ne vient pas. Je suis sonnée. Je sens que le bébé glisse dans mon cou, mais je n’ose pas le toucher, alors je demande à l’auxiliaire. Elle décide de l’installer dans le creux de mon bras pour qu’on puisse se voir.
Et là. Je croise les yeux de mon bébé, qui arrête immédiatement de pleurer, et me regarde avec ses yeux grands ouverts. Tout calme. Il m’a reconnu. On s’est reconnus. Ce premier regard a sauvé ma maternité.
Il m’a reconnu, sans même que j’ai besoin de parler, juste en me regardant. Ça veut dire qu’il sait qui je suis, qu’un lien s’est bel et bien tissé pendant cette grossesse chaotique. Il a arrêté de pleurer, donc je peux le calmer. Je suis en capacité de faire quelque chose pour ce bébé. Et on se regarde comme ça, un instant qui restera grave à tout jamais dans ma mémoire. Et je commence à lui parler, et il m’écoute, avec toujours ce regard observateur si particulier qu’il a encore aujourd’hui.
J’ai mon bébé dans les bras, et tout va bien. J’ai accouché comme une reine (à mon humble opinion) et j’ai eu le bliss, cette vague d’amour immédiate qui m’a emporté. La grossesse est déjà un lointain mauvais souvenir, c’est oublié maintenant que ce petit bonhomme est arrivé.
Demain, Zazou va avoir 2 ans et demi. Et vu comment on a commencé tous les 2, je peux dire aujourd’hui qu’on forme une bien belle équipe
