C'est mon tour. Ça date un peu mais j'ai mis du temps à tout rédiger...
Attention, y'a du pavé (et va falloir que je poste en plusieurs fois à tous les coups).
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[Contexte : filière ANAE]
J'étais suivie à partir du 4e mois de grossesse dans la filière physiologique de l'hôpital d'Eaubonne. Le principe est un accompagnement en ce sens, avec un suivi adapté. Cinq sage-femmes sont impliquées, et pour toutes les connaître, deux font mon suivi, et les trois autres sont rencontrées lors des cours de préparation à la naissance. Le jour J, selon le planning, une de ces cinq SF est présente tout du long avec moi, dans une salle dite "nature".
[Une semaine et demi avant]
Dernier rendez-vous de suivi, puis le lendemain, "cours particulier" sur l'accouchement. Comme j'avais eu le covid une semaine plus tôt, j'avais annulé mon cours sur l'accouchement, et il n'y avait plus de cours collectif disponible. Nous prenons le temps de faire le point avec H., une des sage-femmes, sur ce qu'il reste à savoir, sachant que j'avais fait tous les autres cours, plus le spécial "méthode Bona Pace" avec mon homme. "Je te sens prête", me dit-elle. J'ai des contractions, j'en ai eu toute la grossesse, mais des petites gentillettes, qui ne font pas mal.
On vérifie le col, il est encore bien fermé, 1cm, et l'utérus encore haut. Pas pour tout de suite, donc. Ce n'est pas plus mal, après le covid j'ai bien besoin d'encore une petite semaine ou d'au moins quelques jours à ne rien faire et me reposer. Et le Petit Loup était arrivé pile poil le jour du terme prévu...
On programme une séance d'acupuncture la semaine prochaine (le mercredi) avec A., pour faire maturer le col.
Il faut savoir que ces deux jours-là, grève surprise dans les transports en commun (ou pour préciser, spécialement sur les lignes de transilien dont j'ai besoin pour aller à l'hôpital). Donc j'ai dû un peu batailler pour venir et rentrer de la maternité. Pas de stress spécialement (je n'ai que ça à faire !), mais des trajets longs et assez chaotiques. Je sens pas mal de contractions après un trajet en bus sur la route mal entretenue, toujours des contractions non douloureuses. Je me souviens que pour le Petit Loup, j'avais eu ce genre de choses pas mal de temps avant, donc bon.
La semaine passe, de plus en plus de ces petites contractions, qui ne m'empêchent pas de vivre ma vie. Du pré-travail comme on dit. Bah, tout ce qui prépare le corps est bon à prendre.
[Quelques jours avant, mercredi]
Je vais à mon rendez-vous à la maternité, avec quelques loupés sur l'horaire. Je n'ai pas encore accouché, on est mercredi et le terme est prévu dimanche ! Mais je sens que "ça" travaille, ou plutôt pré-travaille. Pas mal de ces petites contractions gentilles, je sens mon ventre qui est descendu...
La séance d'acupuncture se passe bien (une première pour moi ^^), je somnole en pensant à mon bébé, à mon grand garçon qui sera tellement fier de le voir, à nous quatre quand nous serons quatre pour de bon.
A. propose qu'on vérifie le col ensuite, 2cm, bien mou, bref, ça s'approche ! En même temps je n'ai pas contracté toute la semaine pour rien...
Les jours qui viennent, encore des petites contractions "sages" bien qu'elles soient plus nombreuses. Mais rien qui ne m'empêche de vivre ma vie, de geeker sur mon ordinateur (je sais que le temps libre sera bientôt fort limité ^^), de finir la valise...
[Nuit du vendredi au samedi]
On se couche tard. On fait l'amour. Je commence à être fatiguée de toutes ces petites contractions, je pense que c'est pour bientôt, et j'espère parce que j'en ai marre d'être enceinte, j'ai envie de rencontrer mon bébé. Et en même temps ça me travaille, je ressens comme le trac : à la fois de la peur et de l'excitation.
Vers 1h du matin, je ne dors pas encore, je sens d'un coup un peu de liquide dans ma culotte. Oups. Je me lève précautionneusement, je vais dans la salle de bains. Un filet de liquide me coule le long de la jambe. Le liquide est clair. Aucun doute possible, j'ai fissuré la poche des eaux ! Je ressens un frisson d'excitation, ça commence !
Comme je me sens un peu crado, je prends une bonne grosse douche chaude, en laissant mon chéri dormir. Je sais que pour moi ça sera nuit blanche, mais s'il peut gagner quelques heures de sommeil ça sera bien. Je sens que les contractions deviennent inconfortables, mais largement supportables. Après un bon moment, je sors, mets une bonne serviette hygiénique (ça ne coule pas de fou) et retourne dans le lit, pour me reposer au max. Je sais que je ne dormirai pas, mais l'odeur, la douceur, l'obscurité de la chambre me font du bien. Les contractions commencent à faire mal. J'essaie de respirer au max pendant, et de me détendre entre deux.
Je ne reste pas longtemps allongée, je me lève, je marche, je vais prendre un spasfon, je me mets à genoux au bord du lit, bref j'essaie de gérer seule.
Au bout d'un moment, je réveille mon homme, je lui dis que je n'arrive plus à gérer seule, j'ai besoin de lui. Il met un moment à comprendre de quoi je parle (il dormait vraiment malgré mes allées et venues !), il est un peu dans les vapes. Il se lève et va aux toilettes. Pile au moment où je lui dis que j'ai la nausée... je me retrouve à vomir dans la baignoire. Glamour. Il est bien réveillé, il a enfin émergé, il a compris, ouf. Il gère derrière moi, nettoie tout.
La suite est un peu dans le désordre, mes souvenirs sont peu clairs.
J'ai eu plusieurs épisodes de vomissements (dans les toilettes) et de diarrhée. Comme pour le Petit Loup, je vide mon tube digestif pour mieux repartir à neuf. Je le vis mieux que la première fois, j'y étais préparée psychologiquement. Et je suis à la maison, dans un environnement familier. Je me balade entre la chambre, la salle de bains et les toilettes.
Mon homme me soutient, physiquement et psychologiquement. Son visage est inondé de bonheur, de ce qui est en train de se passer, de notre bébé qui va naître. C'est comme un phare au milieu de la tempête, l'ouragan que je suis devenue.
Il m'aide en pinçant le point d'acupression entre le pouce et l'index, celui-là marche bien, pendant les contractions pour "diluer" la douleur. Il m'aide à me détendre entre deux contractions.
Je n'ai aucune idée du temps qui passe ni du temps qui les sépare. Je suis dans une sorte de bulle, je n'avais pas vraiment réalisé ce que ça voulait dire avant de le vivre, j'ai les yeux fermés la plupart du temps, je me concentre sur ma respiration et je sens la présence de mon homme qui me réconforte, qui m'encourage, me soutient. Je jure un peu (beaucoup ?) de temps en temps parce que mince, ça pique sacrément !
À un moment donné, il appelle sa maman, qui viendra garder le Petit Loup, comme on l'avait prévu. Un peu plus tard il appelle aussi la SF de garde, M., pour la prévenir que ça sera pour ce matin tôt.
Je vais reprendre un bain/douche, dans quel on met un peu du mélange d'huiles prescrit par les SF de l'hôpital. J'aime bien l'odeur. Je fais couler l'eau sur mon corps par la pomme de douche en laissant le bouchon fermé, ça fait du bien. Je re-vomis encore depuis mon bain mais heureusement mon homme avait amené une bassine (il gère !).
Dans ma bulle, j'ai même par moments des hallucinations (!). Sous le volet fermé de mes paupières, je vois d'un coup un voile de couleur vive, sur une contraction. Un coup c'était orange, une autre contraction rouge, une autre fois bleu vif, ou vert... Je ne sais plus combien et quelles couleurs, mais c'était... bizarre.
À un moment donné, mon homme, à qui il arrive de faire des choses un peu étranges, a posé ses mains sur mon ventre quand j'étais aux toilettes. Il souffle. La douleur de la contraction est nettement diminuée. Lui fait une sacrée grimace. Je lui demande si ça va, il fait une moue. Il a "absorbé" la contraction. Il ne le refera pas, ce n'est pas son travail (haha), mais ouf, ce petit répit m'a fait du bien, et me donne du courage. Surtout comme preuve de ce qu'il est prêt à faire pour moi, pour nous.
Un peu plus tard, je vois que je perds du sang. Une belle "grosse goutte" qui tombe d'un coup par terre. Je panique un peu, si quelque chose se passait mal ? Mon homme rappelle M., qui nous rassure. D'ailleurs on n'est pas encore partis ? Non, ma belle-mère n'est pas encore arrivée (elle ne devrait plus tarder ?). Je vois le jour poindre. Il me dit qu'on part dès qu'elle arrive, je hoche la tête. Oui, je sens que ça va devenir difficile de prendre la voiture si on attend trop.
Ma belle-mère arrive enfin. On apprendra plus tard qu'elle a eu des soucis en venant (elle est censée avoir une heure de route), en manquant de perdre sa carte bleue (embêtant pour le péage !) et avec sa voiture qui faisait un bruit chelou. Mais bref, mon homme lui dit qu'on va y aller. On ne traîne pas. Je suis un peu triste de ne pas dire au revoir au Petit Loup, mais en même temps je lui aurais fait peur dans mon état.
J'enfile une robe par-dessus ma culotte et zou. Même pas le courage d'attacher mes sandales, j'avance par tous petits pas. Mon homme pense même à mettre une serviette sur le siège passager. Et zou. Il est environ 5h30 du matin. Et ça pique sévère quand même.
[En route pour la maternité]
5h30 c'est bien, il n'y pas un chat (ni une voiture) sur la route. On roule 25 minutes, ce qui est rapide. J'appréhendais ce trajet, mais j'arrive à ré-entrer dans ma bulle même si la position n'est pas optimale. J'ai l'impression de "garder la tempête en-dedans". Je garde les yeux fermés la plupart du temps (j'aurai encore une ou deux hallucinations citées plus haut, c'est rigolo), et je me cramponne à la poignée au-dessus de la fenêtre. Mon homme me tient la main, l'avantage de la boîte auto c'est qu'il peut la tenir pendant tout le trajet. Sur les contractions je lui dis parfois juste "pince" et il appuie sur le point d'acupression entre le pouce et l'index, ça aide (même si j'ai l'impression que ce n'est jamais assez fort !). Je lui serre la main, je souffle au mieux pour me détendre au max entre deux contractions, même si c'est dur. Très dur. Par moments j'ouvre les yeux pour voir un magnifique lever de soleil. Je me dis que c'est pour bientôt... Je sens que "quelque chose" descend, commence à peser en bas. Est-ce que je rêve ou... ?
Nous arrivons à la maternité. Mon homme se gare juste devant (ouf une place). Puis nous avançons à petits pas (je ne peux pas aller vite, et je n'ai toujours pas attaché mes sandales je crois), avec les affaires.
[La salle nature, 1]
Nous sommes accueillis par M.. C'est la SF que j'ai le moins vue de toute la préparation (surtout avec les aléas du covid !), mais je sens toute de suite son aura de douceur. Elle aussi, elle est un pilier. Je me sens vite mieux quand nous nous installons dans la salle nature. Je vire rapidement mes sandales, ma robe, ma culotte. Au départ j'avais prévu deux ou trois trucs pour être habillée à l'aise (paréo, etc), mais non, au stade où j'en suis, c'est à poil que je me sens le mieux. M. nous laisse le temps de nous installer (je vomis une dernière fois d'ailleurs, youpi), puis elle prend le temps de poser le monito : bébé va bien ! Ensuite on essaie de voir si il y a une position où elle peut regarder où en est le col. On finit par trouver, une position pas trop affreuse, allongée sur le côté.
"Je crois que tu es à dilatation complète". Wahou, pas étonnant que je douille autant ! J'ai un sentiment de victoire et de soulagement, j'ai dépassé le blocage de mon premier accouchement (le col qui ne s'ouvrait pas malgré les contractions), et je dis même tout haut que "la première porte est ouverte". J'en viens presque à me demander ce que je vais faire maintenant. Mais zut, c'est quoi la suite ? Ben des contractions...
Car elles continuent, toujours plus intenses. Mon homme et M. m'encouragent. Il me fait des massages dans le bas du dos, ça fait du bien. Je gigote sur le super grand lit (top !), ça fait toujours super mal mais je me sens encouragée.
Pendant un temps "pas trop mal" elle me pose la voie fermée, sur l'avant-bras, elle a trouvé un point où ça ne gêne pas mes mouvements et où la veine est facile à attraper.
En vrai j'avais hâte qu'elle me la pose car je voulais que ça soit "fait et plus à faire", comme j'ai eu une délivrance artificielle pour mon premier accouchement, ça me rassure que ça soit posé pour l'injection d'ocytocine. Et puis je me fous des piqûres donc...
Puis il y a des moments où je "sens" quelque chose qui descend dans mon vagin. La sensation est surprenante, et une envie de pousser me prend. "J'ai envie de pous...gggnnnnn" impossible de résister ! Je me mets à faire des sons graves, gutturaux, ce genre de son qu'on fait en soulevant un truc bien lourd.
La sage-femme me dit que je prends beaucoup dans la gorge, je risque d'avoir mal ensuite. Tant pis, je m'en tape, et je ne peux pas faire autrement de toutes façons. L'envie de pousser reste erratique, parfois forte, parfois pas selon les contractions. Je me suspends au tissu, c'est très agréable pour pousser. En même temps ça stimule les abdominaux donc ça aide. Et puis c'est familier comme sensation, ça me rappelle le tissu aérien, même si je n'en ai pas fait depuis longtemps.
Mais je commence à fatiguer, c'est si dur de pousser.
La SF m'encourage, me dit que je dois pousser plus longtemps et plus fort. Je m'exécute, de toutes mes forces. C'est très dur, mais je sens le bébé qui avance un peu à chaque fois. Mais ce n'est pas assez, il remonte entre deux. Et je manque de souffle, c'est si dur ! Entre deux contractions je n'ai presque pas de répit de douleur, il reste une "barre" en bas du ventre.
Je ne sais plus à quel moment l'aide-soignante est arrivée, elle s'appelle N., je sens tout de suite une bonne connexion avec elle et entre elle et M. Indispensable car elles agissent en équipe !
La SF me dit que bébé a du mal à passer le bassin parce qu'il est gros et que je suis trop en avant (il doit buter sur le bassin). Elle me propose d'essayer autre chose, je ne sais plus quoi ou la chaise d'accouchement, je dis la chaise, la chaise. Elle me faisait de l'oeil depuis le début cette chaise-là, une intuition ?
Je me lève difficilement, aidée par mon homme et par la SF qui tient le monito (ce que j'apprécie de pas avoir à y penser !). Je n'en peux plus. J'ai si mal, j'ai peur, peur que mon bébé n'arrive jamais à sortir (il ne va jamais passer mon bassin ! Il est trop gros !), je dis, je crie même que je n'en peux plus, que je vais mourir. La fameuse phase de désespérance ? Mon homme me regarde et me répond "Non tu ne vas pas mourir, tu vas donner la vie". Il est magique, mon homme. Son visage est illuminé, là encore, il met du bonheur partout, c'est magnifique, et ça me donne tellement de courage.