Bonjour !
Merci pour tous ces messages, ça fait chaud au cœur et contribue à ma "réparation"
Effectivement dans ces situations on n'est plus maître de rien, mais on me l'a dit dès le début quand je suis arrivée au CHU, ils préfèrent agir dans l’intérêt de la patiente avant de parler. Il y a quand même des personnes qui m'ont beaucoup aidé, l'aide soignante qui m'a apporté le liquide à boire avant la césa, a pris quelques minutes pour essayer de me faire revenir à moi en me parlant, alors qu'elle aurait pû partir chez elle, c'était le changement d'équipe. Et en hospit avant, les aides soignantes qui me faisaient ma toilette, ont vu que ma mère m'avait ramené de l'eau de cologne car rester alitée sans bouger, ça fait mal partout ! Alors elle m'ont fait un petit massage au dos ! Quand à l'utilisation du sulfate de magnésium, j'en ai parlé à une sage femme après et elle m'a dit que ça donnait d'excellent résultats, et effectivement je suis sur un groupe de personnes ayant subit cette foutue maladie et je m'en sors bien. 0 Séquelles, en tous cas pour l'instant alors que certaines restes des semaines hospitalisées, moi dès le lendemain tout c'était remis à fonctionner correctement.
Bon vous voulez la suite vous êtes sûres ? Parce que malheureusement ça ce n'était pas grand chose par rapport à ce qu'à subit ma fille...
J'ai appelé le service de réanimation néonatale dans la nuit vers 4h pour savoir comment elle allait, on me passe "son" infirmière qui me dit qu'elle a déjà été extubée car elle s'en sort bien, bonne nouvelle !
Comme je disais, dans l'après midi je vais la voir en fauteuil roulant avec mon homme et un brancardier (c'était la condition) et ma poche à pipi sur les genoux. Dans ascenseur je vois ma tronche pour la 1ère fois depuis 4 jours (mais pourquoi ils collent des miroirs dans les ascenseurs de maternité ?)
On arrive devant une porte, le brancardier appelle pour qu'on lui ouvre, puis on est dans un sas où on m'explique qu'il faut que je me lave les mains. On franchit le sas et nous voilà dans le service, c'est silencieux et bruyant à la fois. Silencieux car les pauvres bébés sont incapables de faire du bruit et le personnel ne parle pas fort. Bruyant car on entend que des alarmes et des machines assourdissantes. Il règne vraiment une atmosphère lourde. Je passe 3-4 chambres, et arrive devant la sienne, c'est écrit "Anna" sur sa porte, il y a un petit panier avec des masques, il faut en porter un à chaque instant où on est dans sa chambre. On se relave les mains et on porte une surblouse. Et là je la vois minuscule dans sa grande couveuse de plexi. Et elle pleure... et je ne peux rien faire... Je l'ai déjà dit et écrit mais si quelqu'un à ce moment là m'avait poignardé en plein cœur, j'aurais eu moins mal. A cet instant je me dis qu'elle devrait pas être en train de pleurer mais de dormir tranquillement dans mon ventre.
Elle a un gros masque sur le nez attaché à un bonnet, on m'explique que c'est une Cpap, ça envoie de l'oxygène avec pression pour garder ses poumons ouverts et bien les ventiler. Imaginez avoir de l'air en grande pression vous rentrer dans le nez à chaque secondes...
On entends des alarmes partout, la couveuse sonne quand la température descend trop, les scopes sonnent quand un bébé désature (et ça arrive trèèèèès souvent), sonnent quand le cœur ralenti, les machines sonnent quand bébé bougent trop et qu'elles peuvent pas faire leur travail (va lui expliquer toi qu'en plus d'avoir été expulsés de leur matrice prématurément, ils faut qu'ils ne bougent pas). Y'a l'alarme jaune qui annoncent que ça commence à dégénérer et l'alarme rouge où faut faire quelque chose.
Je suis en larmes devant la couveuse, j'ose même pas m'approcher, j'ai l'impression que je vais encore lui faire du mal.
On me montre les petits soins quotidien, nettoyage des yeux, prise de température, changement de couches, couches déjà minuscules qui en plus doit être repliée. Sa peau est toute rouge et presque translucide, elle est maigre, on dirait un oiseau tombé du nid...
Elle a une sonde gastrique, on essaie de mettre un peu de lait puis on réaspire au bout de 3h voir si elle a réussit à digérer et si c'est le cas on essaie plus la prochaine fois, sinon moins. C'est du lait de mère, issue de don, et je remercie énormément ces mamans qui prennent le temps de donner pour nourrir les bébés comme ma fille, elles se rendent pas compte à quel point c'est motivant pour nous derrière de réussir à tirer du lait.
Elle a un capteur pour sa saturation au pied, puis des petits capteur pour l'ECG à la poitrine, ça prend presque toute sa poitrine, on voit ses côtes en dessous. Elle est perfusée au niveau du cordon. Elle a aussi des cures d'UV pour maturer sont foie. Bref aucun organe n'est fonctionnel, on peut tous les remplacer pour qu'ils se reposent mais pas les poumons, on ne peut que subvenir au manque d'oxygène.
Je reviens dans ma chambre car j'avais une autorisation de quelques heures, ma mère et ma grand mère sont là et je fond en larmes, ce genre de pleures où vous vous retenez de crier en serrant le ventre...
Tous les jours en allant la voir, la seule chose qui me fait sentir maman c'est quand j'appelle à la porte du service de réa pour qu'on m'ouvre et je dis "Bonjour, c'est la maman d'Anna".
Elle a vécu de sacrés épreuves, à 3 jours elle fait une hémorragie pulmonaire, la ré intubation au milieu du sang a été compliqué et elle a mis 4-5h à s'en remettre avec arrêt cardiaque dans la foulée. Les pédiatres étaient très inquiets par la suite (rien que l'épisode de cette hémorragie aurait besoin d'un chapitre, je vais écrire un livre je crois ^^) elle avait passé ces 5h entre 25 et 45% d'o2 dans le sang au lieu de 95% pour les petits bouts comme ça... On s'attendait à ce qu'elle soit devenue un légume mais non elle nous serrait les doigts à mon conjoint et moi et 3 j après elle était déjà extubée !
1ère peau à peau à 15 jours... stressant, elle désature, l'infirmière me dit qu'il faut pas que je regarde le scope mais c'est comme si notre vie dépendait de ce foutu scope.
Elle aura passé 2 mois en réa, ils ont tenté une sortie vers les soins intensifs à 1 mois mais un autre arrêt cardiaque dès le soir l'a ramenée direct là bas. C'est vraiment un endroit spécial, on y entend des mamans hurler de douleur après la perte d'un enfant (j'ai pleuré avec elles), on y voit des jumeaux, qui finissent par n'être qu'un... On y voit un prêtre sortir de la chambre d'un enfant. On y voit parfois le désarroi des pédiatres qui font leur maximum pour sauver un petit mais qui se retrouvent impuissants... On a tous un masque mais on voit tout ça dans leur regard.
A 2 mois on arrive enfin en soins intensifs, on a pas dormi de la nuit avec son père de peur qu'elle refasse une "bêtise" comme ils disaient. Elle y passera 1 mois puis 1 mois et demi en neonat normal, où plus elle grandissait, plus c'était dur de partir le soir...
Elle aura tout subit, œdèmes, infections diverses, syndrome du sevrage à la morphine, surrénales à l'arrêt à causes des traitement lourds, même la pose une fois de son cathé dans une veine de sa tête tellement les autres étaient fatiguées...
Puis retour à la maison le 30 avril 2015 avec de l'oxygène mais en petits lunettes, on essaie des sevrages de 2-3h par jour.
Après de multiples hospitalisations pour des cures de corticoïdes pour aider ses poumons, on arrive à se passer totalement d'oxygène vers 1an et demi.
Au final j'ai jamais vraiment réussi à avoir de montée de lait, je tirais mon lait chaque jours mais je tirais toujours dans les 60ml sur les 2 seins, j'étais trop bloquée psychologiquement je pense. Au début 60ml ça couvrait largement ses besoins, puis petit à petit quand y'avait pas assez ils complétaient puis à 3 mois j'avais plus rien... Mais au final ce tire lait me stressait plus qu'autre chose, et j'avais bien compris qu'elle aurait jamais la force de téter mon sein, elle a pris des biberons que vers 4 mois déjà, c'était la condition pour qu'elle sorte.
Malgré tout cela ça a toujours été un bébé souriant, elle a subit les pires horreurs et pourtant elle aime la vie. Elle va en CP en septembre, elle est contente d'être grande sœur.