Au cours de la journée, il était culturellement admis qu'un nouveau-né « ça tète toutes les 3 heures environ ». Depuis quelques années, les conseils aux mères vont dans le sens d’un allaitement « à la demande ». Or certaines mères se plaignent de ce que leur bébé tète « tout le temps » ou bien qu'il « prend la nuit pour le jour ». Quand on interroge plus en détail ces mères, elles décrivent le plus souvent la situation suivante : le bébé dort le matin, avec des tétées plutôt espacées, mais pleure beaucoup le soir, moment où elles pensent manquer de lait. Cette situation amène classiquement à donner un complément de lait industriel. Or on touche là la réalité concrète du rythme physiologique de l'allaitement maternel: celui-ci ne consiste pas en un espacement régulier de quelques heures entre des tétées réparties de façon homogène au long du nycthémère. Tout d'abord, il y a plus de tétées entre 14 h et 2 h du matin qu'entre 2h et 14h (5), jusqu’au double les 3 à 6 premières semaines (3). C'est une réalité à laquelle les nouveaux parents ne sont pas forcément préparés. Mais il s'agit d'un phénomène normal et non pas d'une « confusion » du bébé. Les tétées de nuit étant particulièrement importantes au début pour l'établissement d'une lactation abondante, on peut penser que ce phénomène a son intérêt. Et l'expliquer aux mères.
Physiologiquement, les tétées du matin sont abondantes (120 à 150 ml) – (5) et relativement espacées (2 à 5 h). Au fur et à mesure de l'avancement de la journée, les tétées se rapprochent en même temps que l'éveil de l'enfant augmente. Survient alors, le plus souvent entre 14 h et 2 h du matin, un épisode de « tétées groupées » (3) où le bébé tète de façon très fréquente pendant 2 à 3 heures, prenant à chaque fois de petites quantités (une gorgée à 40 ml) – (5) de lait plus gras de fin de journée (la maman percevant à cette heure là que ses seins sont peu remplis).
Cet épisode de tétées groupées est caractéristique des bébés au sein (à quelques exceptions près). On peut dire qu'il est « physiologique ». Or souvent la maman, après avoir donné les deux seins à son enfant, pense qu'elle manque de lait si celui-ci réclame encore (et est tentée de lui donner un complément), ou berce l'enfant pour le calmer plutôt que de lui redonner ce dont il a besoin pour sa croissance normale : le lait maternel, avec sa composition et sa quantité spécifiques à ce moment de la journée. Lorsque la mère comprend qu'il s'agit là d'un rythme (et non pas d'anarchie), d'un phénomène normal et habituel (et non d'un problème que poserait son bébé ou son allaitement) et que sa production de lait n'est pas en cause, elle reprend le plus souvent confiance en elle. Le fait de lui expliquer que son lait est sécrété en continu, que plus le bébé tète plus la production est rapide (6), de lui proposer d'alterner les seins très souvent lors de ces épisodes, et de lui faire observer les épisodes de sommeil calme de son bébé à d'autres moments de la journée, suffit souvent à maintenir un allaitement maternel exclusif avec une maman sereine et une prise de poids adéquate.