Éclats de sciences
Les autres en nous
Un champ de recherche encore méconnu est en train de bouleverser nos connaissances en biologie : le microchimérisme, c’est-à-dire la présence, en chacun de nous, de cellules en provenance d’autres individus.
Lise Barnéoud
23 septembre 2023 à 11h52
L’histoire était simple. Réconfortante. Un spermatozoïde qui rencontre un ovule, formant notre toute première « cellule-œuf ». Laquelle se divise en deux cellules filles. Chacune se divisant à son tour, et ainsi de suite, jusqu’à former un embryon, puis un fœtus, puis un bébé qui grandira encore. Si bien qu’à la fin, on est constitué·e de plusieurs centaines de milliards de cellules, toutes en provenance de cette unique et minuscule cellule-œuf. Toutes porteuses d’une combinaison inédite de 23 chromosomes maternels et de 23 chromosomes paternels. Voilà de quoi ragaillardir notre ego, nous offrir un « je » singulier, homogène, immuable. Parfaite rampe de lancement pour le mythe du self-made-man ou de la self-made-woman.
Le hic, c’est que cette histoire, imprimée dans tous les livres de biologie, est fausse. Dans notre sang, notre cœur, nos poumons ou encore notre cerveau, se cachent des cellules qui ne proviennent pas de cet œuf originel. Des cellules qui nous viennent d’ailleurs. Il ne s’agit pas ici des milliards de cellules microbiennes qui cohabitent dans nos organes. Non, même parmi nos cellules humaines, certaines cachent un génome différent du « nôtre ». Et pour cause : elles proviennent d’autres êtres humains.
« Nous sommes tous des êtres chimériques », dit Nathalie Lambert, directrice de recherche à l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale), l’une des spécialistes françaises du domaine.
Dans la mythologie grecque, Chimère est un monstre formé d’une tête de lion, d’un corps de chèvre et d’une queue de serpent. C’est en 1953 qu’apparaît pour la première fois
le terme de « chimérisme » pour décrire la présence de cellules humaines d’origines différentes à l’intérieur d’un même organisme.
« Une juxtaposition incongrue », s’étonnent les biologistes anglais qui ont découvert, dans le sang d’une certaine Mme « McK », deux types de globules rouges : les uns du groupe O, les autres du groupe A.