Comme j’ai accouché il n’y a pas longtemps, je pose le récit tant qu’il est frais. Et ça fera deux récits pour le prix d’un avec la naissance de ma fille.
2023, décembre
Après avoir fini de regarder tous les Star Wars, je dis à mon mari « bah c’est bon elle peut arriver on a fini tous les films » : je fissure une heure plus tard, mais je ne suis pas sûre que ce soit ça. Je dis qu’on ira faire un tour demain à la mater, mais voyant que ça coule pas mal, mon mari insiste pour qu’on y aille ce soir. Il prépare les valises, je suis dans le déni, je me demande pourquoi il fait ça, dans ma tête c’est sûrement une fuite urinaire, on va voir et on revient.
On arrive dans le box de consultation, la SF regarde à peine le col avant de me dire « ah oui c’est une belle fissure vous allez rester avec nous et repartir avec un bébé »
Mon mari :

Moi :

Après un monitoring qui montre que c’est le calme plat, transfert en chambre et là…on attend…une nuit. Puis la journée. Le lendemain soir et sachant qu’on allait peut-être insister pour un déclenchement après la nuit, je craque un peu et pleure en demandant à ma fille de se magner… Deux heures plus tard (22h) le travail se met en route, quel hasard.
Je suis ravie. Il fait nuit, je suis seule et tranquille, je mets de la musique, du ballon, je suis super bien. Vers 5h, j’appelle mon mari en lui disant que j’ai besoin de sa présence mais sans urgence, il arrive vers 6h et au même moment, la sage-femme vient et constate que je suis à 3, elle me propose un bain : oh oui !
Sauf qu’il y a une panne informatique au bloc, que le staff est long et qu’il y a des multipares à gérer. Je n’ai plus la notion du temps à ce moment-là mais il s’écoule deux heures et les contractions sont plus fortes et difficiles à passer sereinement. N’y tenant plus, je me jette sous la douche, c’est bien évidemment à ce moment-là qu’on me dit que je peux descendre en salle physio. Je sors toute nue de la chambre, rien à foutre, je ne sais même pas où est la salle de naissance, mais j’y fonce…au rythme d’un pas/une contraction/un pas/une contraction. Mon mari se marre, me donne une serviette (oui c’est rupture de blouses ce jour-là) et me convainc de prendre la chaise roulante.
On arrive devant le bain, ça commence à être dur. Impossible de faire couler l’eau et on attend la SF, je ne sais plus trop quoi faire pour gérer les contractions. Je souffle mais je n’ai plus d’autres idées, et je sens que je perds pied. Je me dis que c’est le bon moment pour une péridurale, le projet de naissance ayant tout de même pour but d’avoir une rencontre chouette avec ma fille, ce qui signifie « pas dans la souffrance ». La SF arrive et se présente, me dit que je gère super bien mais je viens de la rencontrer, je ne la crois pas vraiment. Je demande une péri, elle propose un bain mais je refuse (oh comme je m’en veux les mois d’après).
J’arrive donc en salle de naissance, je suis à 6, je sais que l‘anesthésiste arrive et en plus je vais pouvoir avoir une péri déambulatoire pour rester mobile (je ne fais que bouger depuis le début).
On attend une heure (ressenti 15 min) les contractions s’enchaînent sans pause. La SF propose de checker le col au moment où l’anesthésiste arrive et je propose de le faire après quand je serai moins algique, verdict après la pose : je suis passé de 6 à 10 en une heure. Je suis choquée.
« Y’a plus qu’à attendre qu’elle s’engage » : je ne sens plus rien, je suis shootée car la péri déambulatoire n’était pas possible à cause de la panne informatique et visiblement, les anesthésiants marchent très bien sûr moi. Ma fille va super bien mais ne descends pas, on me fait mollement changer de position toutes les 30 min. Au bout de 3 heures, on essaie de me faire pousser mais je sens que ça ne sert à rien, elle remonte. La gynécologue vient contrôler en écho et elle plante ses yeux dans les miens pour m‘annoncer « elle est encore dans le détroit haut », je lui réponds « j’ai compris » et je fonds en larmes. Je sais que ça veut dire césarienne. Elle s’approche de moi et on parle un moment, elle me rassure. Je suis déçue, un peu fâchée contre mon corps.
Mais je n’ai pas peur, je sais comment se passe une césarienne, l’équipe est adorable et rassurante, petit détail rigolo, on se retrouve au bloc traumato donc tout le monde veut voir la naissance et nous félicite.
Enfin on me la pose en peau à peau, je pleure beaucoup, je suis tellement heureuse de la rencontrer que j’en oublie le seum ! Première tétée en salle de réveil et beaucoup d’autres après.
Sur le coup, tout se passe bien et je suis très heureuse mais en post-partum, je fais un blocage sur la césarienne, et j’ai l’impression de ne pas être allé au bout de cette accouchement. Je n’arrive pas à tourner la page.
2025, octobre
Projet d’AVAC physio en péril à cause d’un poids fœtal élevé, j’essaie de ne pas me mettre la pression mais c’est sûr, j’aimerais bien que ce bébé naisse par voie basse (c’est resté important même deux ans après la césarienne). Mon terme est le 21/11, mais j’ai un rendez-vous le 3/11 pour un ultime contrôle du poids et décider si ce sera un déclenchement ou une césarienne programmée. Ni l’un ni l’autre ne m’enchante et mes pensées sont assez sombres.
Le jour d’Halloween, j’emmène ma fille à la fête de la crèche, j’y passe un moment avec les autres bébés, c’est chouette. En revenant chez moi, j’ai quelques douleurs ligamentaires qui se calment après un bon gros lardonnage sur le canapé. Entre 15H et 16h, quelques contractions auxquelles je ne prêtre pas grande attention, persuadée que je ne dois pas m’emballer au cas où c’est un faux travail. Vers 16h, j‘appelle mon mari en lui demandant de rentrer, il sera là vers 17h, ce qui me laisse le temps pour une douche et aller chercher notre fille à la crèche. Ça devient plus intense mais c’est gérable en soufflant un peu.
N’ayant pas de baignoire chez moi, je me dis que je vais arriver pile poil pour un petit bain à la maternité (oui oui, celui que je n’ai pas voulu prendre au premier accouchement). On appelle ma BM pour venir garder l’enfant, elle arrive dans une heure, ça me semble parfait.
Sauf qu’à partir de 18h, j’ai des contractions intenses et les pauses se raccourcissent, ma BM n’est pas encore là, je sens que mon mari est sous pression.
J’essaie de ne pas le faire paniquer mais je lâche un petit « c’est dur » je vocalise beaucoup des ooo des aaaa et je bouge tout le temps. Je sens que je commence à partir dans un autre monde mais je ne peux pas m’y enfermer complètement car il faut encore faire le trajet. Finalement ma BM arrive, je fonce dans la voiture, impossible de m’asseoir, je m’agrippe aux repose tête et je répète les deux prénoms qu’on a choisi pour le bébé, ça me canalise.
Arrivés sur le parking, mon mari veut aller chercher un fauteuil roulant mais je lui interdis de me laisser seule. Par contre je n’arrive pas à marcher. Mon mari appelle du renfort et finalement le fauteuil arrive. à partir de ce moment c’est très flou, je ferme les yeux, on arrive en salle d’examen, on m’annonce que je suis à 10, la blague, je n’y crois pas je veux un bain, les SF se marrent et m’emmènent au bloc.
Puis s’ensuit un festival de postures, beaucoup de paroles, je suis présente et absente, j’ai des flash de lucidité et je pose quelques questions « bébé va bien ? » Oui, ok je me reconcentre. « Est-ce qu’il s’engage ? » pas de réponse, je ne sens pas de poussée non plus, ça m’inquiète vaguement. On me demande si je veux une péri, je dis non mais je n’en ai aucun souvenir.
Une tête de gynécologue apparaît, me parle de cœur de bébé pas ouf, me conseille de prendre une rachi au cas où. Je capitule. L‘anesthésiste me fait ouvrir les yeux et la regarder et me repose la question doucement, me rassure en disant qu’elle va doser au minimum pour que je puisse éviter d’être coupée de mes sensations. On fait la rachi en mode allongée sur le côté, elle s’adapte, c’est trop cool.
Une fois la rachi posée, je suis un peu plus en état de communiquer et je vois que le gynécologue est en mode « utérus ciactriciel + bradycardie, j’aime pas ça, on va le sortir fissa » du coup il propose assez vite la ventouse et je crois qu’il ne s’embête même pas à attendre deux poussées, il passe aux forceps. J’ai un petit moment de panique en mode « oh mon pauvre bébé » car moi je n’ai pas vraiment mal, mais la sage-femme et mon mari m‘encouragent avec douceur et je me sens en confiance. Je sens le petit J sortir, je tends les mains, un peu trop vite, les épaules ne sont pas encore sorties.
J’entends « une circulaire » allons bon, comme si ça ne suffisait pas. Du coup, le gynécologue coupe rapidement le cordon, et mon bébé sort, je l’attrape, le pose sur moi, le sèche moi-même, la sage-femme rappelle à tout le monde de ne pas faire de boulettes car on ne sait pas le sexe.
Et là, il se passe un truc incroyable : je ne pleure pas, je suis juste en paix. Fière de cet accouchement, en paix avec la césarienne. C’est comme le calme après la tempête, tout me semble harmonieux.
Si on m’avait dit que cela se terminerait comme ça (rachi+forceps), j’aurais probablement fait la tronche, mais là je suis bien. Ça a été intense, rauque, parfois brut mais tellement génial.