Mais en 2011, un article de Fewtrell et al publié dans le British Medical Journal va mettre en question ce consensus international autour des six mois d’allaitement exclusif. L’article, qui fait polémique, aura un grand retentissement dans la presse internationale alors qu’il s’agit seulement d’opinions d’experts, ce qui, au niveau de la fiabilité d’une recommandation, est ce qui a le moins de valeur. De plus, trois des quatre experts ont des liens d’intérêt avec les firmes d’aliments pour bébés. Pour des raisons non fondées (que l’UNICEF UK va aussitôt critiquer), ils proposent de diversifier à 4 mois.
Puis d’autres études, très médiatisées elles aussi mais toujours avec des biais faussant les résultats, contibueront à jeter encore plus le trouble sur l’âge d’introduction des solides. Par exemple, les mères entendent souvent dire que, pour prévenir les allergies, il faudrait introduire tous les aliments entre 4 et 6 mois. Or les études se suivent et se contredisent. Ainsi, en 2005, l’introduction du gluten (contenu dans le blé, le seigle, l’orge, l’avoine) est recommandée entre 4 et 7 mois, en petites quantités, alors que l’enfant est toujours allaité et avec la poursuite de l’allaitement pendant encore au moins deux ou trois mois. Ces recommandations visent alors à prévenir la maladie cœliaque chez des enfants à risque (Norris 2005, voir les références à la fin de l’article). Ces recommandations sont immédiatement étendues à tous les enfants, à risque ou non de cette maladie.
En 2014, une nouvelle étude (Lionetti et al), beaucoup moins médiatisée, conclut que « parmi les différents facteurs étudiés (introduction du gluten avant 6 mois ou après 12 mois, allaitement ou non), il est très clair que c’est le bagage génétique qui est de loin le plus important pour déterminer quels enfants développeront une maladie cœliaque. » Rien ne presse donc pour introduire le gluten, exit la « fenêtre d’opportunité » entre 4 et 7 mois. Mais comme il est difficile de suivre les évolutions de la recherche, beaucoup de professionnels de santé en sont restés à l’étude de 2005.
En 2018, il semble y avoir consensus sur le fait que le gluten doit être introduit en petites quantités aux environs de 6 mois : un croûton pas trop frais, pas la baguette entière !
Autre point : pour prévenir les allergies, certains allergologues recommandent d’introduire les aliments allergéniques (lait de vache, arachide, blé, poisson, oeuf, sésame…) à 4 mois. Mais comment fait-on avec un bébé allaité qui n’est pas prêt à se diversifier, et une mère qui veut continuer à allaiter ? Il n’y a plus aucun bon sens, et les multiples autres avantages de l’allaitement exclusif pour la mère et l’enfant sont ignorés.