Les analgésiques
1. Les opiacés
a. La morphine reste toujours considérée comme un analgésique idéal chez la mère allaitante, en raison de
son faible passage lacté et de sa mauvaise biodisponibilité orale chez les bébés (33, 37).
b. L’excrétion lactée de la mépéridine/péthidine est faible (1,7 à 3,5% de la dose maternelle ajustée pour le
poids). Toutefois, l’utilisation de mépéridine/péthidine et de son métabolite (la normépéridine) est
régulièrement associée à une sédation chez le nourrisson, qui est dose-dépendante. Un passage lacté avec
sédation de l’enfant a été rapporté pendant jusqu’à 36 heures après administration maternelle (33). La
mépéridine/péthidine devrait être évitée pendant l’accouchement et pour l’analgésie du post-partum (sauf
éventuellement pendant l’heure qui précède la naissance). Les bébés des mères qui ont été exposées à des
doses répétées de mépéridine/péthidine devraient être étroitement suivis à la recherche d’une sédation,
d’une cyanose, d’une bradycardie, et de la possibilité de convulsions.
c. Bien qu’il n’existe aucune donnée publiée sur le rémifentanil, cet opiacé rapidement métabolisé par des
estérases a une demi-vie courte même chez les bébés (<10 min), et aucune sédation foetale même in utero
n’a été rapportée suite à son utilisation. Bien que sa durée d’action est limitée, il peut donc être utilisé
dans de bonnes conditions de sécurité, et pourrait même être le produit idéal pour la gestion de procédures
douloureuses courtes chez des mères allaitantes.
d. L’excrétion lactée du fentanyl a été étudiée, et son taux est extrêmement faible après 2 heures, et
généralement inférieur à la limite de détection (52, 53).
e. L’excrétion lactée du sufentanil n’a fait l’objet d’aucune publication, mais elle devrait être du même ordre
que celle du fentanyl.
f. Le taux lacté de la nalbuphine et du butorphanol est très faible. Pendant l’allaitement, ils devraient être
indiqués uniquement dans ces cas spécifiques mentionnés plus haut. Si ces produits sont utilisés, observer
la mère et l’enfant à la recherche de réactions psychomimétiques (3%).
g. L’hydrocodone a été utilisée chez de nombreuses mères allaitantes. Des cas occasionnels de sédation ont
été rapportés chez des nourrissons allaités, mais ils sont rares et habituellement dose-dépendants. La
posologie maternelle devrait être la plus basse possible pour être efficace pour contrôler la douleur. Des
prises régulières sur la journée pourraient induire une sédation chez l’enfant allaité.
h. Une étude récente sur un décès néonatal suite à l’utilisation de codéine suggère que l’utilisation de
codéine chez la mère allaitante devrait être suivie de près (54). Bien que rares, les métaboliseurs rapides
de la codéine existent, et le taux de morphine induit par l’utilisation de codéine pourra être suffisamment
élevé pour faire courir un risque au bébé. Utiliser la codéine avec précaution chez les mères allaitantes.
i. Il existe des données sur le taux lacté d’oxycodone, et il est en moyenne de 58 μg/l (de 7 à 130 μg/l, soit
1,3 à 3,5% de la dose maternelle ajustée pour le poids). L’oxycodone pourrait ne pas être suffisamment
sûre pour les mères qui sont métaboliseurs ultra-rapides, car elle est également un substrat pour le
CYP2D6. Une étude rétrospective récente a montré que 1 enfant allaité sur 5 présentait une dépression du
système nerveux central suite à un traitement maternel par oxycodone. La forte concordance entre les
symptômes chez la mère et l’enfant pourrait être utilisée pour identifier les bébés à risque. Il est important
de suivre ces enfants de près à la recherche d’une somnolence (55).
j. Quel que soit l’opiacé, il faut toujours prendre en compte la dose administrée. De nombreuses mères qui
suivent un traitement au long cours contre la douleur prescrit par diverses consultations spécialisées dans
la douleur pourront recevoir des doses extrêmement élevées d’hydrocodone, d’oxycodone, de méthadone,
et d’autres analgésiques opiacés. Les bébés des mères prenant des doses extrêmement élevées devraient
être suivis de près à la recherche d’une sédation et d’une apnée. Si le bébé est exposé in utero, le risque
est probablement abaissé en raison de la tolérance de l’enfant.