Second cas
Cette mère s’est présentée en consultation de lactation avec son bébé de 13 jours ; son bébé n’avait pas eu de selles pendant les 10 premiers jours de vie, il était très somnolent et voulait téter en permanence. Il était à 450 g en dessous de son poids de naissance (3722 g). Son état clinique était par ailleurs normal. La mère le mettait au sein fréquemment, il était bien positionné et il tétait correctement. Les seins de la mère avaient augmenté de volume pendant la grossesse. A l’examen, ils étaient mous. La mère avait accouché par voie basse, avec une analgésie intrathécale ; les lochies étaient peu abondantes.
Cette femme n’avait pas réussi à allaiter exclusivement ses 2 premiers enfants, et avait donné des compléments de lait industriel dès les premiers jours. Entre son premier et son second enfant, elle avait présenté une aménorrhée ayant duré 18 mois, et un syndrome de Stein-Leventhal a été diagnostiqué. Après 2 semaines de tétées fréquentes, de séances d’expression du lait et de traitement par métoclopramide (10 mg 3 fois par jour), la mère n’a enregistré qu’une légère augmentation de la sécrétion lactée. La consultante en lactation a posé le diagnostic d’insuffisance de la sécrétion lactée probablement en rapport avec un déséquilibre hormonal.
Troisième cas
Le bébé de cette mère primipare avait un poids de naissance de 3210 g. Il a perdu 455 g dans les 10 premiers jours post-partum. Elle a alors commencé à tirer son lait 8 à 10 fois par jour, et à donner le lait tiré ainsi que du lait industriel à l’aide d’un DAL pendant les mises au sein. L’enfant a pris 455 g dans la semaine qui a suivi la mise en place de ces mesures. Au bout de 2 semaines, la mère a essayé de supprimer les compléments de lait industriel, et le poids de l’enfant a recommencé à stagner. A 2 mois, le problème perdurait, et la mère est revenue en consultation de lactation. Le bébé pesait alors 3880 g, et recevait quotidiennement environ 425 ml de lait industriel à l’aide du DAL. La mère tirait son lait 2 fois par jour en plus des tétées, et obtenait difficilement 15 ml à chaque fois.
Cette femme avait des problèmes de santé depuis la puberté ; vers 18 ans, elle a commencé à souffrir de troubles ovariens, avec hyperpilosité et prise de 22,7 kg en 3 mois. Le diagnostic de syndrome de Stein-Leventhal a été posé. Elle avait des cycles très irréguliers, et sa grossesse a été totalement inattendue. Les seins avaient augmenté légèrement de volume pendant la grossesse. Leur examen ne révélait rien de particulier. L’examen au doigt de la succion du bébé a retrouvé un palais en bulle et une succion faible ; il prenait bien le sein, mais tétait peu de temps efficacement. La consultante en lactation a référé la mère à son médecin pour un bilan hormonal et général. Elle a suggéré à la mère de tirer son lait 10 à 12 fois par jour, et de donner au doigt le lait exprimé et un complément de lait industriel (au total 570 ml environ) en plus des tétées.
La croissance de l’enfant était normale avec ce volume de compléments, mais baissait dès que la mère essayait de diminuer la quantité de lait industriel. La mère a aussi essayé un traitement par phytothérapie pour tenter d’augmenter sa sécrétion lactée, sans résultat mesurable. Elle a alors pris du dompéridone, qui a induit une augmentation sensible de la sécrétion lactée ; la quantité de lait industriel donnée quotidiennement a pu être ramenée à 400 ml. Mais malgré tous ses efforts, cette mère n’a jamais réussi à réduire davantage les compléments.
En conclusion
Les causes et les conséquences de ce syndrome ovarien restent mal cernées. L’existence de taux élevés d’androgènes et d’œstrogènes, alliée à la baisse importante du taux de progestérone, peut indiscutablement affecter la lactation. Les œstrogènes jouent un rôle important dans le développement des canaux de la glande mammaire pendant la puberté et la grossesse, tandis que la progestérone est nécessaire pour le développement des ascini. Cette pathologie s’accompagne fréquemment d’une résistance à l’insuline, qui joue aussi un rôle dans la lactogénèse.
Les spécialistes ont constaté depuis un certain temps que les mères qui ont des problèmes d’infertilité ont aussi beaucoup plus souvent que la moyenne des problèmes d’allaitement. Par ailleurs, de nombreuses femmes présentant un syndrome de Stein-Leventhal arrivent à allaiter sans problème particulier. L’existence d’un tel syndrome peut donc éventuellement être une explication en cas d’insuffisance de la lactation, mais il n’y a pas obligatoirement relation de cause à effet.
Lorsqu’une mère se présente avec un problème de sécrétion lactée insuffisante, il sera utile de l’interroger sur ses antécédents personnels et familiaux, à la recherche de symptômes pouvant être en relation avec un trouble hormonal. Un bilan hormonal sera pratiqué en présence de signes évocateurs. Ces mères et leurs enfants devront être étroitement suivis, afin de s’assurer que l’enfant est correctement nourri ; il ne faudra pas hésiter à recommander le don de compléments, parallèlement à la mise en œuvre d'autres mesures destinées à augmenter la sécrétion lactée. Lorsque toutes ces mesures ont échoué, on pourra en déduire que le problème a une origine physiologique, à laquelle il est, malheureusement, plus ou moins impossible de remédier efficacement, tout au moins d’après les connaissances actuelles. Des recherches seraient nécessaires pour mieux établir l’impact des troubles hormonaux sur la lactation, ainsi que sur les thérapies éventuellement envisageables.