Allaitement et droit pénal : la licéité de l’allaitement dit en public
La France est un pays privilégié quant à sa perception et sa manière de régir la pudeur. Aucune disposition générale et nationale ne prohibe l’allaitement dit « en public ». Aucune affaire retentissante n’a jamais eu lieu, contrairement à ce que l’on a pu rencontrer dans des pays comme l’Australie ou les Etats-Unis. Cependant, des mères font parfois l’objet de remarques ou injonctions lorsqu’elles allaitent dans des lieux publics.
Faute de disposition traitant spécifiquement de ce sujet, il est parfois opposé aux mères qu’elles commettraient un « attentat à la pudeur ». Disons d’emblée que cette notion a disparu de notre système juridique depuis 1994 ! L’a remplacée une qualification pénale plus étroite : l’exhibition sexuelle qui fait encourir une peine d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende (222-32 C. pén.). Le fait qu’elle soit plus étroite est déterminant pour ce qui concerne l’allaitement. Attenter à la pudeur pouvait couvrir des situations comme remonter de la plage en maillot de bain et allaiter. En revanche, l’exhibition sexuelle suppose d’exposer autrui à la vue d’un acte obscène à caractère sexuel. Il va de soi que cela ne s’applique absolument pas à l’allaitement. Ajoutons que les mères qui allaitent « en public » n’imposent en réalité le plus souvent pas celui-ci à la vue d’autrui. La plupart le font d’une manière aussi discrète que possible. Il est en revanche possible à des institutions d’interdire des comportements déterminés dans le cadre de leur règlement intérieur, qui est opposable à ses utilisateurs. Ainsi certains musées ou autres prohibent-ils le fait de manger. Certaines mères se sont vu interdire d’allaiter à ce titre. Sur ce seul fondement, ce n’est sans doute pas illicite – même si c’est absurde.
En revanche, l’interdiction du principe même de l’allaitement dans un lieu public, prévu expressément dans un règlement intérieur, me paraît illicite. C’est qu’un règlement intérieur ne saurait contredire la loi. Or, ce sont des considérations supérieures qui viennent au soutien de l’allaitement, et notamment le droit à la santé pour tous, garanti par des textes comme le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, toujours en vigueur, par renvoi du préambule de la Constitution du 4 octobre 1958, la Convention relative aux droits de l’enfant, adoptée par les Nations Unies le 20 novembre 1989 (art. 6 et 24) et enfin la Charte européenne du 3 mai 1996, précitée (préambule, partie I-11).