L’anesthésie chirurgicale chez les mères allaitantes
L’impact des médicaments utilisés pour l’anesthésie chirurgicale chez une mère allaitante dépend de divers facteurs, incluant l’âge de l’enfant, son état clinique, le stade de la lactation (précoce ou tardif), et la capacité du bébé à gérer l’élimination de faibles quantités de produits anesthésiques (36). Ces produits n’auront pas ou peu d’effets sur un bébé plus âgé, mais pourront poser des problèmes chez les nouveau-nés, tout particulièrement ceux qui sont prématurés ou qui souffrent d’apnée.
La capacité du bébé à métaboliser de faibles quantités de ces produits est tout particulièrement importante pour le temps nécessaire à la reprise de l’allaitement. Les enfants qui sont à risque d’apnée, d’hypotension ou de faiblesse devraient probablement être protégés par une suspension de l’allaitement plus longue (12 à 24 heures).
Les mères d’un nouveau-né à terme, ou d’un bébé plus âgé, peuvent habituellement reprendre l’allaitement dès qu’elles sont réveillées, stables, avec un bon niveau de vigilance. Le retour des capacités mentales normales est le signe que les produits ont quitté le compartiment plasmatique (et donc le compartiment lacté), et qu’ils sont passés dans le tissu adipeux et musculaire, à partir desquels ils seront progressivement relâchés. Le fait, pour la mère, de tirer et de jeter une seule fois son lait après la chirurgie, éliminera de façon efficace les produits liposolubles éventuellement fixés dans les graisses du lait, même si c’est rarement nécessaire, et que cela n’est habituellement pas recommandé par les spécialistes. Aucune interruption de l’allaitement n’est nécessaire en cas de ligature des trompes en post-partum immédiat, dans la mesure où le volume de colostrum est faible (37). De plus, le taux plasmatique et lacté de médicaments est faible lorsque la mère a retrouvé ses capacités mentales. Une anesthésie régionale est recommandée pour ce type de chirurgie, plutôt qu’une anesthésie générale, pour la sécurité de la mère.
Les mères qui doivent subir une extraction dentaire ou une autre chirurgie ne nécessitant qu’une dose unique de produits pour la sédation et l’analgésie peuvent reprendre l’allaitement dès qu’elles sont réveillées et stables. Bien qu’il soit préférable d’utiliser des produits rapidement éliminés tels que le fentanyl ou le midazolam, il est improbable qu’une dose unique de mépéridine ou de diazépam puisse avoir un impact sur le bébé allaité (36).
Les mères qui doivent subir une chirugie plastique, telle que la liposuccion, pour laquelle des doses importantes d’anesthésiques locaux (lidocaïne) auront été utilisées, devraient probablement tirer et jeter leur lait pendant 12 heures avant de reprendre l’allaitement.
Produits spécifiquement utilisés pour l’anesthésie et l’analgésie
Les anesthésiques
Les produits utilisés pour l’induction, comme le propofol, le midazolam, l’étomidate ou le thiopental ne pénètrent que faiblement dans le lait dans la mesure où leur demi-vie plasmatique est extrèmement faible (quelques minutes) ; leur excrétion lactée sera nulle ou infime (38-41).
Il n’existe pas de données ou très peu sur l’utilisation des anesthésiques gazeux chez la mère allaitante. Toutefois, ils ont eux aussi une demi-vie plasmatique très courte, et leur excrétion lactée est très probablement nulle.
L’utilisation de kétamine chez les mères allaitantes n’a jamais été rapportée. En raison du risque élevé d’effet psychomimétique avec ce produit, incluant des hallucinations et une anesthésie dissociative (catalepsie, nystagmus), ce n’est probablement pas le meilleur anesthésique pour les mères allaitantes.