Hypoplasie mammaire et insuffisance de la sécrétion lactée
Markers of lactation insufficiency : a study of 34 mothers. KE Huggins, ES Petok, O Mireles. Current Issues in Clin Lact 2000 ; 25-35.
Dans la plupart des cas, l’existence d’une sécrétion lactée insuffisante est en relation avec une conduite pratique de l’allaitement inappropriée, ou avec un problème de succion chez l’enfant. Toutefois, un faible pourcentage de femmes pourront ne jamais avoir suffisamment de lait en raison d’un développement insuffisant de leurs glandes mammaires. Cette étude prospective avait pour objectif d’évaluer les relations entre une sécrétion lactée insuffisante et certaines caractéristiques des seins faisant suggérer une hypoplasie mammaire. Les hypoplasies mammaires ont été décrites dans la littérature spécialisée en chirurgie plastique. La première anomalie décrite était le sein « tubulaire », avec hypoplasie dans le sens vertical et horizontal. Depuis, d’autres anomalies ont été décrites, l’hypoplasie ne touchant qu’une région du sein, accompagnée ou non de rétraction au niveau de l’implantation du sein sur les pectoraux. Les auteurs ont étudié 34 femmes de leur clientèle, pour qui l’examen des seins permettait de suspecter une hypoplasie mammaire.
La plupart de ces 34 femmes ont été enrôlées pendant leur séjour en maternité, et quelques autres ont été adressées à la consultation de lactation pour un problème d’allaitement. Quasiment toutes ces femmes ont été vues pour la première fois avant J5. Ces femmes étaient âgées de 17 à 35 ans. 76% étaient primipares. Aucune d’entre elles n’avait été traitée pour un problème d’infertilité, ou n’avait subi une chirurgie mammaire. Tous les enfants étaient nés à terme sauf 1 (né à 35 semaines), et tous étaient en bonne santé, sauf un des enfants, né à terme, qui a été admis en néonatalogie pendant les 5 premiers jours post-partum.
Toutes les mères ont commencé à allaiter, sauf la mère de l’enfant hospitalisé, qui a commencé à tirer son lait dans les 12 heures suivant la naissance. Des données ont été recueillies sur les modifications des seins pendant la grossesse, sur le déroulement d’un éventuel allaitement précédent, et sur le déroulement de l’allaitement en cours. Les seins de toutes les femmes ont été examinés soigneusement et mesurés. Le bébé a été examiné, et la quantité de lait qu’il absorbait a été évaluée par pesées. A partir de l’entrée de la mère dans l’étude, les tétées ont été régulièrement observées par une personne compétente, et la mère aidée chaque fois que nécessaire. Lorsque le bébé ne recevait pas assez de lait, la pratique de l’allaitement était revue, et on conseillait à la mère de tirer son lait en plus des tétées pour le donner à son enfant ; la prise de fenugrec a été conseillée comme galactogène.Parmi les 34 femmes enrôlées, 33 présentaient des caractéristiques anatomiques d’hypoplasie mammaire. La dernière a été exclue, dans la mesure où un seul sein était hypoplasique, l’autre étant parfaitement fonctionnel et permettant un allaitement exclusif de l’enfant. 20 mères présentaient une asymétrie mammaire marquée ; il n’y avait eu aucune augmentation des seins pendant la grossesse chez 10 mères, et cette augmentation avait été minime chez 15 autres mères. 14 mères n’avaient présenté aucun engorgement en post-partum.Chez 85% de ces mères, la sécrétion lactée couvrait au maximum 50% des besoins de l’enfant pendant la première semaine post-partum. Entre la 2ème et la 4ème semaine post-partum, 55% des mères produisaient toujours au maximum 50% du volume de lait qui aurait été nécessaire à leur enfant. Le volume de la sécrétion lacté était, dans l’ensemble, en relation avec l’importance de l’hypoplasie. Cependant, toutes les mères présentant une hypoplasie légère avaient une sécrétion lactée adéquate à 1 mois, et certaines femmes présentant une hypoplasie sévère arrivaient, avec le temps, à avoir une sécrétion lactée suffisante. La persévérance a été payante chez ces mères.L’examen des seins et l’interrogatoire de la femme en période prénatale ou en post-partum précoce permettront souvent de dépister une hypoplasie mammaire, qui pourra être plus ou moins évidente. Un des critères les plus fiables, d’après ce que les auteurs ont constaté, est l’existence d’un espacement important entre les seins.
L’hypoplasie peut être globale, ou concerner 1 ou 2 cadrants du sein. Lorsqu’une hypoplasie est suspectée, la mère devra être suivie étroitement, ainsi que son enfant ; des compléments seront très souvent nécessaires (lait maternel exprimé ou lait industriel). Exprimer régulièrement le lait avec un tire-lait électrique performant (un tire-lait double est très utile) aidera à maximiser la production lactée. Ces mères doivent être préparées à l’éventualité de ne jamais réussir à avoir suffisamment de lait, tout en gardant à l’esprit que, avec de la persévérance, il sera assez souvent possible d’obtenir une sécrétion lactée adéquate.